Beenish Mahmood

Et si un bijou pouvait murmurer une histoire, respirer la mémoire, ou porter l’écho d’un poème ? Dans cette interview intime et lyrique, la créatrice et conteuse Beenish Mahmood nous ouvre les portes de son univers — un monde où le métal et les pierres précieuses ne sont pas de simples matériaux, mais des réceptacles d’émotions, de mythes et de sens. Des enchantements de l’enfance aux racines littéraires, d’un deuil personnel profond à l’éveil artistique, Mahmood dévoile comment ses créations prennent vie à travers le récit et le ressenti. Pour quiconque croit que les bijoux peuvent parler, cette conversation est une invitation à écouter… jusqu’au dernier mot.

Pouvez-vous nous raconter comment a commencé votre parcours dans la joaillerie ? Qu’est-ce qui vous a amenée — personnellement et professionnellement — vers ce domaine, et qu’est-ce qui vous a fait sentir que la joaillerie était le bon moyen d’exprimer votre créativité ?
Il est difficile d’évoquer un moment précis où la joaillerie est devenue mon langage choisi ; c’est comme si elle avait toujours fait partie de moi, une présence silencieuse qui murmurait en arrière‑plan. Enfant, je me perdais pendant des heures dans des livres où les bijoux semblaient presque vivants : le topaze impérial brillant comme un soleil capturé, des perles formées de larmes cristallisées, des génies tourbillonnant dans des rubis somptueux, prêts à exaucer des vœux impossibles. Les bagues de ma grand‑mère, les perles lumineuses de ma mère, les boutons de manchette Cartier de mon père : ce n’étaient pas de simples objets, mais des portails vers des vies vécues, des émotions contenues, des histoires inachevées.

Avec le temps, cette fascination s’est transformée en besoin de création. J’ai étudié le design et la gemmologie non pas comme un choix de carrière, mais pour donner forme à des émotions trop vastes pour les mots. La joaillerie, pour moi, n’est pas statique. Elle respire, elle se souvient. J’ai hérité de pièces de famille, mais leur véritable valeur ne réside pas dans leur poids ou leur métal. Ce sont les souvenirs qu’elles portent : la chaleur des perles contre la peau de ma mère, les récits silencieux enfermés dans l’or et les pierres, l’amour tissé entre elles comme une chaîne invisible.

J’ai compris que c’était le moyen idéal pour cristalliser des instants fugaces en quelque chose d’éternel : quelque chose qui pourrait me survivre tout en portant mon essence.

Avant de devenir joaillière, vous avez étudié la littérature, l’écriture et la narration visuelle. Comment ce bagage a-t-il influencé votre approche du design aujourd’hui ? Vous sentez-vous encore écrivain lorsque vous créez en métal et en pierres ?
Absolument. Je ne perçois aucune séparation entre la poète et la joaillière — elles ne font qu’une. Les mots et les bijoux distillent toute une vie à travers quelque chose de trompeusement petit, mais profondément impactant. Un seul vers peut contenir le poids d’un chagrin ou l’ampleur d’une épopée. Il en va de même pour un bijou : une pierre gravée, une courbe audacieuse en or — et voilà que se taisent des siècles de mémoire, de dévotion et de désir.

Pour moi, les bijoux sont aussi évocateurs que les mots, comme des fragments d’un journal intime ou les prémices d’un conte : “Il était une fois…” Ils murmurent de grandes aventures, attendant leur prochain chapitre dans la main de celui ou celle qui les porte. Lorsque je crée, j’essaie de tisser ces histoires discrètement dans chaque pièce — non de manière littérale ou explicite, mais plutôt comme un murmure doux à l’oreille, un secret que seul le bijou et son porteur peuvent entendre.

Mon bagage littéraire m’a appris la dimension du récit : la grandeur des mythes, l’intimité des confessions chuchotées, l’ampleur des sagas monumentales. Encore aujourd’hui, je commence souvent par les mots. Un poème, un fragment d’histoire, une question muette — voilà ce qui donne l’ancrage au langage visuel qui suit. Parfois, je vois mes pièces comme des poèmes tridimensionnels, chacun portant son propre rythme, son propre souffle, son propre battement.

Y a-t-il eu des moments clés ou des tournants — peut-être une personne, un lieu ou un basculement émotionnel — qui vous ont poussée à faire de la joaillerie un chemin à temps plein, plutôt qu’une passion secondaire ?
Il y en a eu plusieurs, mais l’un d’eux me revient avec une clarté cristalline. Moins d’un an avant de perdre ma mère, j’avais dit adieu à mon père. Cela m’a donné l’impression que le cercle de la vie se refermait autour de moi — perdre ces deux piliers si soudainement m’a laissé déracinée, noyée dans un deuil trop vaste pour les mots.

Le courage silencieux de ma mère face au cancer a été sa propre épopée. Sa grâce et sa force lors de ses derniers mois ont laissé une empreinte indélébile. Elle a affronté l’inévitable avec une résilience telle qu’elle m’a fait douter de ma propre peur de l’échec. J’ai réalisé que j’utilisais cette peur comme excuse pour laisser mon art, ma voix, sur le côté.

Dans le silence du deuil, j’ai retrouvé mes carnets de croquis presque instinctivement. Créer n’était plus un choix, c’était vital. C’était une catharsis, un moyen de transformer la douleur en sens. Il ne s’agissait pas de lancer une marque ou de faire un coup de maître professionnel — c’était comme respirer à nouveau après des années sous l’eau. Ce moment a marqué ma décision de ne plus mettre cette part de moi de côté.

Vos pièces semblent porter des fragments de mémoire, de mythologie et de sens. Quand vous vous asseyez pour concevoir, qu’est‑ce qui vient en premier: lhistoire, la forme ou le matériau ?
C’est presque toujours l’histoire qui commence tout. Un souvenir, une image fugace ou parfois même un vers de poème déclenche le processus. Ces histoires vivent comme des ombres aux bordures de mon esprit — des fragments de mythologie, des réminiscences de lieux chéris, ou des émotions trop vastes pour être contenues. En les laissant m’habiter, la forme émerge intuitivement, comme un rêve qui devient lucide. Des lignes se dessinent, des courbes se déploient, et peu à peu naît un rythme, un langage en or et en pierre.

Ce n’est qu’après que je me tourne vers les matériaux — gemmes et métaux qui deviennent des prolongements naturels du récit. Une opale noire qui semble contenir une tempête, une perle lumineuse comme un secret chuchoté, ou un fragment de corail évoquant des étés d’enfance au bord de la mer. Chaque matériau porte sa propre mémoire et émotion, et je le choisis autant pour sa capacité narrative que pour sa beauté.

Mais parfois, le processus s’inverse. Il m’est arrivé de tomber sur une pierre d’une telle présence qu’elle exigeait sa propre histoire. Dans ces cas-là, je ne suis plus seulement créatrice, mais conteuse, découvrant une histoire déjà écrite dans les profondeurs du joyau. C’est un échange profondément intuitif — comme un dialogue silencieux entre la gemme et mon imagination.

Comment décririez-vous votre langage de design à quelqu’un qui n’a jamais vu vos créations ? Quelles émotions ou idées espérez-vous susciter chez celles et ceux qui portent vos pièces ?
Mon langage de design est un dialogue — entre le passé et le présent, entre la fantaisie et l’introspection, entre l’audace et la retenue. C’est organique, sculptural, vibrant de rythme. Même la ligne la plus droite de mon travail porte une douceur, un mouvement, comme si elle respirait.

Le récit imprègne chaque pièce, appuyé par une obsession du savoir-faire. Il y a souvent des surprises cachées dans le design — un détail inattendu que seul le porteur découvre, une courbe qui capte la lumière comme un secret, ou un subtil jeu de couleur, presque comme un clin d’œil privé.

Je suis fascinée par la manière dont des pensées ou des émotions abstraites — l’amour, la perte, l’émerveillement, le désir — peuvent devenir tangibles en or et en pierres. Pour moi, chaque bijou commence comme un murmure de mémoire ou l’éclair d’une idée, puis prend forme lentement, comme un poème en trois dimensions.

Qu’est‑ce que j’espère qu’on ressente ? Un soupir silencieux. Une nostalgie douce-amère. Une sensation immédiate d’être vue. Le bijou, dans sa plus belle expression, est profondément personnel — il devrait être un compagnon secret, un fragment de votre histoire que vous ignoriez jusqu’à ce que vous le rencontriez.

Vous avez été formée dans différentes disciplines et avez travaillé dans des contextes culturels variés — des maisons de luxe aux artisans locaux. Comment ces expériences ont-elles façonné votre vision du bijou, non seulement comme ornement, mais comme expression culturelle ?

Mon parcours m’a montré, encore et encore, que le bijou n’est jamais “juste” décoratif. C’est un artefact culturel — un reflet de l’histoire, de l’identité et de l’émotion, porté à même la peau comme un second battement de cœur.

Dans les grands ateliers et maisons, j’ai appris le raffinement et la structure — la discipline nécessaire pour équilibrer l’opulence et la portabilité, et l’importance de cultiver des relations avec une clientèle internationale. Il y a une élégance discrète dans la manière dont ces maisons abordent leur métier : précis, réfléchi et intemporel.

Mais c’est dans les petits ateliers et auprès des maîtres artisans que j’ai découvert quelque chose de tout aussi profond. Là, le bijou semblait moins relever du commerce que de la dévotion. J’ai vu des savoir-faire transmis de génération en génération — du père au fils, puis au petit-fils — sans instructions écrites ni formules, guidés seulement par la mémoire et le toucher. Il y a une beauté dans cette simplicité, dans l’humilité de mains qui ont façonné des chefs-d’œuvre portés par des rois, tout en restant couvertes de poussière d’or.

Ces expériences, ensemble, ont forgé ma philosophie en tant que joaillière. Je m’efforce de créer des pièces qui honorent cet héritage artisanal et culturel tout en parlant à la sensibilité moderne — des bijoux à la fois intemporels et vivants, ancrés dans la tradition mais prêts à murmurer quelque chose de totalement nouveau.

Vous semblez créer avec beaucoup d’intention, en choisissant soigneusement vos matériaux et vos collaborations. Qu’est-ce qui vous attire vers une pierre, une technique ou un artisan en particulier ? Qu’est-ce qui vous fait dire : “Oui, cela appartient à mon univers” ?

Je choisis mes matériaux et mes collaborateurs de façon instinctive. Une pierre doit me sembler vivante, comme si elle possédait son propre battement de cœur. Et je suis attirée par les artisans qui travaillent avec une forme de révérence silencieuse — là où le savoir-faire et l’âme se transmettent au fil des générations, de façon non écrite mais intacte.

Mais je suis tout autant inspirée par les jeunes artisans qui abordent leur métier avec un esprit d’aventure — ceux qui osent sortir des sentiers battus, explorer l’inattendu avec la même curiosité que moi. Pour moi, dire “oui” n’est jamais une question de différence pour la différence. C’est une question de vérité : qu’est-ce que cette pierre, cette technique, cette personne contient en elle qui fera que celui ou celle qui portera la pièce s’arrête, s’émerveille et ressente quelque chose ?

Parfois, c’est aussi simple qu’une agate dendritique — pas rare, mais qui révèle parfois un jardin ou un paysage parfaitement formé, un minuscule monde dans lequel on peut se perdre. C’est cela qui me fait dire oui : l’émerveillement, qu’il vienne d’un matériau ou d’une personne. Car au fond, cet émerveillement, c’est ce que je veux que le porteur ressente aussi.

Vos créations ont souvent une qualité lyrique, onirique, presque comme des poèmes visuels. D’où viennent vos histoires — des souvenirs d’enfance, des lieux où vous avez vécu, des livres qui vous ont marquée ?

Mes histoires viennent de moments qui refusent de s’effacer — l’émerveillement de l’enfance, des lieux qui m’ont marquée, des livres qui sont devenus partie intégrante de mon paysage intérieur. J’étais une enfant de contradictions : un jour perdue dans The Faraway Tree d’Enid Blyton, le lendemain plongée dans l’univers moral tentaculaire de Guerre et Paix de Tolstoï. Il y avait la nostalgie profonde et le lyrisme de la poésie orientale — Ghalib, Faiz, Omar Khayyam — mêlés au mysticisme transcendant des saints soufis et des poètes, dont les mots semblaient être des lanternes dans la nuit.

J’ai grandi en Orient, entourée de traditions riches et d’histoires intemporelles, tout en passant mes étés à déambuler dans l’Europe — ses grands musées, ses rues pavées, ses jardins manucurés. Cette dualité d’existence — appartenir à deux mondes tout en se sentant un peu en dehors de chacun — m’a appris à voir la beauté dans les contrastes, et à trouver l’harmonie dans la tension entre eux.

Mon père remplissait notre maison de conversations philosophiques qui s’étiraient tard dans la nuit, autour de tasses de thé infinies, tandis que le caractère fort de ma mère — adouci par les normes culturelles — m’a montré comment la force et la douceur peuvent coexister, même dans leurs formes les plus silencieuses.

Tout cela, et bien plus, constitue l’amalgame de ce qui fait que je suis moi — et ce qui saigne à travers mes mains jusque dans ce que je crée. Ce que je fais n’est pas un récit : c’est une traduction. Un souvenir devient une courbe d’or, un sentiment de nostalgie se transforme en ruban de pierres colorées. Le résultat est moins un récit qu’un rêve rendu tangible.

Vous parlez du bijou comme d’un objet profondément émotionnel et personnel. Comment trouvez-vous l’équilibre entre raconter votre propre histoire et laisser de l’espace à celle de la personne qui portera la pièce ?

Je crois que les pièces les plus réussies sont celles qui semblent à la fois intimes et universelles. Je crée en racontant ma vérité — les échos de mes souvenirs et de mes histoires — mais je suis constamment touchée de voir à quel point les gens retrouvent souvent leur propre vécu dans mon travail.

Cela a été une révélation : cela me rappelle à quel point nous sommes connectés en tant qu’êtres humains. À travers les cultures et les vies, nous aimons tous, nous perdons tous, et au cœur de tout cela, il y a la dévotion. Qu’elle soit dirigée vers une personne, une croyance ou un rêve, cette racine émotionnelle commune donne à chaque bijou la capacité de contenir plusieurs vies en lui.

Une bague inspirée par le regard de ma mère peut, pour quelqu’un d’autre, devenir le souvenir d’un premier amour ou un symbole de courage. C’est cela, la magie du bijou — il se souvient. Il fait de la place pour l’histoire de celle ou celui qui le portera, tout en portant les échos de la mienne.

Votre travail aborde également des thématiques qui résonnent socialement et culturellement. Quel est, selon vous, le rôle d’un joaillier contemporain aujourd’hui – non pas seulement en tant que créateur de belles choses, mais comme quelqu’un qui reflète ou questionne le monde qui l’entoure ?

La joaillerie a toujours été le reflet de son époque. Si l’on regarde attentivement, on peut lire l’histoire à travers ses formes : l’opulence baroque de la Renaissance, les lignes épurées et la poésie fonctionnelle du Bauhaus, la géométrie audacieuse de l’Art déco — chaque période porte en elle une réponse au chaos ou au désir de son temps.

Aujourd’hui, dans une ère de bruit constant et de bouleversements, je ressens le besoin de créer des bijoux qui incarnent à la fois la beauté et la force. Des pièces qui offrent une certaine échappatoire tout en restant ancrées dans le présent. Tous les bijoux ne doivent pas forcément porter un grand message politique ; parfois, le simple fait de créer une beauté intentionnelle — quelque chose qui existe uniquement pour ravir, apaiser, ou nous rappeler notre humanité partagée — est déjà une forme de résistance silencieuse.

Dans mon travail, j’essaie de maintenir cet équilibre : concevoir des bijoux qui murmurent le courage, la mémoire, la connexion, tout en osant être beaux simplement pour la beauté elle-même. Parce que je crois que nous avons besoin des deux — des racines, et des ailes.

Lancer sa propre marque est une démarche audacieuse. Quels ont été les aspects les plus gratifiants — et les plus exigeants — dans le fait de construire une maison qui porte votre nom et votre vision ?

Ce qu’il y a de plus gratifiant, c’est de voir mes pièces quitter mes mains et commencer leur propre voyage — s’imprégner de vies, de souvenirs et d’émotions bien au-delà des miens. La joaillerie est un art profondément intime ; elle ne reste pas accrochée à un mur ni enfermée dans une vitrine. Elle vit avec les gens. Elle célèbre leurs joies, accompagne leurs chagrins, et marque silencieusement le passage du temps. Savoir qu’un bijou que j’ai créé pourra un jour être transmis de mère en fille, portant les échos de deux existences, est un privilège qui ne cesse de m’émerveiller.

Les défis, eux, sont tout aussi intimes. Construire une marque signifie jongler entre deux mondes : la quiétude du processus créatif et les exigences concrètes de la gestion d’une entreprise. Les plannings de production, les délais, la logistique — tout cela fonctionne à un rythme bien différent de celui de la créativité, et parfois en décalage avec ma manière lente et délibérée de travailler.

Mais j’ai appris que grandir ne signifie pas toujours faire plus ; parfois, cela signifie faire moins, mais avec plus d’intention, et encore plus d’amour. Rester petite me permet de rester proche de mes pièces, de leur accorder le temps et l’attention qu’elles méritent. Ce n’est pas le chemin le plus rapide, mais c’est celui qui me ressemble le plus — et peut-être est-ce cela, le véritable succès.

En tant qu’artiste, comment protégez-vous votre espace créatif tout en jonglant avec les impératifs du métier — les délais, les clients, la logistique ?

C’est une négociation permanente. J’ai mis en place des rituels pour préserver mon espace créatif : les matinées passées à mon carnet de croquis, les nuits à façonner des idées avant que le monde ne s’immisce.

Les délais doivent rester un peu flexibles, car les vrais amateurs d’art savent que les œuvres exceptionnelles demandent du temps. Trouver des pierres rares, construire des détails complexes — ces choses méritent l’espace qu’elles réclament. Ce n’est peut-être pas la manière la plus rapide de bâtir une entreprise, mais c’est la plus fidèle à mon identité d’artiste. Et j’ai découvert que les résultats, bien que plus lents, sont infiniment plus gratifiants.

Quand vous regardez vers l’avenir, y a-t-il de nouveaux matériaux, techniques ou thèmes que vous avez envie d’explorer ? Qu’est-ce qui vous enthousiasme le plus pour ce prochain chapitre ?

Je suis fascinée par l’idée d’intégrer des éléments inattendus à mon travail. Au fond, je suis une métallurgiste, et la romance de la métallurgie me captive depuis toujours. Ce n’est peut-être pas une révolution, mais c’est une évolution profondément personnelle — une forme de liberté après des années à travailler dans certaines limites.

J’explore de nouveaux matériaux : titane, bois, corail, céramique, ambre, cuir — des matières qui ne volent pas la vedette à l’or et aux pierres, mais qui offrent des contrastes subtils, des instants de surprise. J’ai toujours été un carré dans un monde de cercles, et j’ai enfin fait la paix avec cela. Briser les normes, j’ai appris, peut être libérateur, à condition de le faire avec mesure et intention.

Même la technologie commence à m’intriguer. L’IA a ouvert des portes à de nouvelles idées — comme ces artistes qui intègrent des images en mouvement dans des bijoux — et cela me pousse à réfléchir à la manière dont l’innovation peut coexister avec l’intimité et l’humanité de cet art. Le défi, c’est d’intégrer la nouveauté sans perdre l’âme du bijou, de veiller à ce qu’il reste profondément portable, profondément ressenti.

Ce nouveau chapitre ressemble à un retour à la jeune fille que j’étais — celle qui est tombée amoureuse de la magie de la transformation — mais avec le courage supplémentaire de laisser le travail parler avec sa propre voix.

Si, dans plusieurs années, quelqu’un découvrait l’ensemble de votre œuvre, qu’aimeriez-vous qu’il ressente — ou comprenne — de la femme qui l’a créée ?

J’aimerais qu’on voie une femme qui n’avait pas peur d’évoluer, de plonger en elle-même et de rassembler les morceaux — même les plus fragiles — pour en forger quelque chose de fort et lumineux. Quelqu’un qui a commencé avec prudence, mais qui n’a cessé de creuser plus profondément, et qui a fini par découvrir qu’elle était bien plus capable qu’elle ne l’avait jamais imaginé.

J’aimerais qu’on ressente la puissance douce de quelqu’un qui a aimé profondément, rêvé follement, et mis tout son cœur dans chaque détail. Qu’on ne voie pas seulement des bijoux, mais les fragments d’une vie — sa tendresse, ses tempêtes, ses merveilles.

Au fond, je voudrais que mon travail soit perçu comme une lettre d’amour : à la beauté, à la mémoire, et à l’art de vivre pleinement.