Il existe des expositions que l’on visite, puis celles qui nous habitent longtemps après les avoir quittées. « Rêveries de pierres : Poésie et minéraux de Roger Caillois », présentée cet automne à L’ÉCOLE, School of Jewelry Arts à Paris, appartient incontestablement à cette seconde catégorie. Pensée en partenariat avec le Muséum national d’histoire naturelle, elle offre une immersion rare dans l’univers intérieur de Roger Caillois, écrivain visionnaire pour qui chaque pierre recelait un monde.
Car Caillois ne se contentait pas d’admirer les minéraux : il les contemplait comme des œuvres d’art, des mythes silencieux, des miroirs de l’imagination. Pendant plus de vingt-cinq ans, il a réuni une collection exceptionnelle d’agates, de fluorines, de dendrites, de marbres ruiniformes et de « pierres imagées ». Dans leurs motifs, il découvrait des paysages, des silhouettes, des tempêtes, des masques, des “hiéroglyphes sans message” — autant de visions qui nourrirent certains de ses textes les plus emblématiques, dont son chef-d’œuvre, L’Écriture des pierres.
Pour la première fois, près de 200 minéraux de sa collection légendaire — dont beaucoup n’avaient jamais été montrés au public — sont réunis avec les textes de Caillois, ses manuscrits, ainsi que des écrits récemment redécouverts. Sous le commissariat éclairé du Pr. François Farges, scientifique et grand spécialiste des gemmes, l’exposition crée un dialogue fascinant entre science et poésie, entre les formes naturelles et l’imaginaire humain.
En parcourant les salles de L’ÉCOLE, le visiteur découvre des pierres qui évoquent des ciels lointains, des falaises, des mers en mouvement, des silhouettes fantomatiques ou des paysages cosmiques. Modelées par la terre pendant des millions d’années, ces “images minérales” jouent avec nos perceptions. Caillois les considérait comme des œuvres de la nature artiste — Natura pictrix — capables de rivaliser avec les peintres, les graveurs, et même les poètes.
L’exposition dévoile également l’une des découvertes littéraires les plus passionnantes de ces dernières années : Pierres anagogiques, un manuscrit presque achevé au moment de la mort de Caillois en 1978, longtemps considéré comme perdu. Retrouvé en 2023 dans les archives de la Médiathèque de Vichy, ce texte explore la dimension mystique et spirituelle des pierres, révélant un Caillois plus introspectif, presque métaphysicien. Pour la toute première fois, ces pages seront présentées aux côtés des minéraux qui les ont inspirées.
Pour amplifier l’expérience, L’ÉCOLE propose une scénographie immersive : projections, lectures enregistrées de textes poétiques, visites guidées, ateliers créatifs — dont des calligrammes — et une riche programmation culturelle pour petits et grands. Ce n’est pas seulement une exposition, mais un voyage sensoriel qui invite chacun à ralentir, à observer, à rêver.
Rêveries de pierres est une célébration de la beauté, de la curiosité et de l’étonnante puissance d’évocation du monde minéral. C’est aussi un hommage vibrant à Roger Caillois, à sa perception unique des pierres comme fenêtres ouvertes sur l’invisible.
Pour tous les amateurs de gemmes, de littérature, d’art et de nature, cette exposition est immanquable. Si vous passez par Paris entre novembre et mars, laissez-vous guider dans cet univers minéral où chaque pierre devient une révélation.
Vous ne regarderez plus jamais les minéraux de la même façon.
« Rêveries de pierres : Poésie et minéraux de Roger Caillois »
Du 6 novembre 2025 au 29 mars 2026
L’École des Arts Joailliers, avec le soutien de Van Cleef & Arpels
Hôtel de Mercy-Argenteau
16 bis boulevard Montmartre Paris 9 e
Visites gratuites, sur réservation
